LA BIOPIRATERIE

 

La biopiraterie (ou biopiratage) est l'appropriation illégitime des ressources de la biodiversité et des connaissances traditionnellesautochtones qui peuvent y être associées.

 

Elle s'exprime sous la forme de dépôts de brevets, de marques sur des noms d'espèces ou de variétés typiques d'une région, ou encore par l'absence de juste retour aux États et communautés traditionnelles qui en sont les dépositaires. Elle peut être mise en œuvre par des entreprises privées ou par des centres de recherche, qui exploitent ces ressources génétiques sans autorisation préalable ou partage des avantages ou bénéfices avec l'État et les communautés indigènes ou locales qui ont initialement développé ces connaissances.

À partir des années 1980, certains industriels de la pharmacie, de la cosmétique ou de l'agriculture ont ainsi obtenu un droit exclusif sur les gènes de plantes ou sur les modes d’utilisation de ces plantes, notamment en provenance des zones riches en biodiversité. Ces zones de biodiversité sont aussi souvent celles où vivent de nombreux peuples autochtones, dont le mode de vie est intrinsèquement lié aux ressources naturelles et aux savoirs qu'ils détiennent sur leur utilisation.

Il s'agit d'un terme du langage courant, inventé par Pat Mooney de l'organisation ETC Group, et diffusé par des militants comme Vandana Shiva et des organisations de la société civile. Des pays comme le Brésil, le Pérou et l'Inde ont repris le terme, s'appuyant sur leurs législations nationales et la Convention sur la diversité biologique de 1992.

Le terme est aussi utilisé pour décrire la marchandisation du vivant, c'est-à-dire l'appropriation juridiquement cadrée d'une ressource naturelle (alors considérée comme bien commun ou bien collectif) au profit d'un groupe ou d'une firme commerciale privée par le biais d'un brevet.

La biopiraterie peut faire référence :

  • à l'utilisation non autorisée de ressources biologiques (i.e., plantes, animaux, organes, micro-organismes, gènes...)
  • à l'utilisation non autorisée des connaissances sur les ressources biologiques des communautés indigènes et traditionnelles
  • à la distribution non équitable des bénéfices entre le porteur du brevet et la communauté dont les ressources et les connaissances sont ainsi confisquées. Dans ce nouveau cadre qui leur est imposé de l'extérieur, ils doivent payer des droits au nouveau propriétaire pour continuer de faire un usage traditionnel de leurs ressources.
  • au brevetage de ressources biologiques sans respecter les critères de brevetabilité (nouveauté, inventivité et utilité).

Il est cependant à noter qu’une plante ne peut être officiellement brevetée en elle-même. Par contre, il est possible de breveter un gène de cette plante, isolé en laboratoire, tout comme le mode d’utilisation de la plante (par exemple, le fait de l’utiliser pour soigner telle maladie). Avec une bonne stratégie, l’entreprise peut donc multiplier les brevets sur les différents modes d’utilisation de la plante, ce qui conduit en pratique à breveter la ressource elle-même.

Convention sur la diversité biologique et Protocole de Nagoya

Pendant les dernières décennies, on a observé une érosion de la biodiversité : entre 50 000 et 100 000 espèces disparaîtraient chaque année. Depuis 1992, les ressources vivantes sont considérées comme l'héritage commun de l'humanité (en anglais, Common Heritage of Mankind).

La Convention sur la diversité biologique (ou Convention on Biological Diversity (CBD) est entrée en vigueur en 1994. Elle donne des droits de souveraineté nationaux sur les ressources biologiques. Un de ses avantages est qu'elle devrait permettre aux pays du Sud de mieux tirer parti (et bénéfice) de leurs ressources et de leurs connaissances traditionnelles.

Par ces règles, il est attendu que la bioprospection et la commercialisation du patrimoine naturel implique unconsentement éclairé préalable et que cela doit résulter en un partage des bénéfices entre le pays riche enbiodiversité et l'entreprise en prospection. Mais certains critiques affirment que la CBD a échoué à établir les règlements appropriés pour prévenir la biopiraterie.

Le protocole de Nagoya, négocié en 2010 au Japon, a pour but l’application effective de la CBD, notamment via la mise en œuvre d’une législation Accès et Partage des Avantages (APA). Les États sont ainsi encouragés à produire un cadre juridique national autour de l’accès aux ressources et du partage des bénéfices engendrés à partir de ces ressources. Les États ayant réellement intégré une législation APA au sein de leur cadre juridique national sont cependant très peu nombreux. Le Parlement Européen a adopté en octobre 2013 la proposition de Règlement Européen relatif à l'accès aux ressources génétiques et au partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation dans l'Union, déclinaison européenne du Protocole de Nagoya. Le Protocole de Nagoya doit entre en vigueur au plus tard en 2015, à l'issue de la 50e ratification par un État signataire. Le poids de l'Europe (27 États) est ici déterminant.